« Observer en vol parabolique est une gageure. C’est pourtant ce que font tous les collègues scientifiques dans l’avion pendant le vol qui enchaîne ses 31 paraboles en alternant 1G, 2G, 0G, 2G, puis 1G, etc. Tous sanglés à leurs expérimentations, à travailler malgré ces étranges et inhabituels (
anormaux) changements de l’environnement. C’est mercredi, le second vol de la semaine de la 62e campagne de vols paraboliques. À quelques exceptions, ces vols sont réservés aux sciences physiques et biologiques. Je fais partie — grâce à l’Observatoire de l’Espace du Cnes — des exceptions, qui ont droit à un vol dans la campagne. Je suis anthropologue. Et mon régime d’observation est évidemment tout autre : j’observe des humains.
Observer en vol parabolique est une gageure à plusieurs titres : comment faire de la science sur la science en train de se faire, le temps d’un vol oscillant au-dessus de l’Atlantique ? Comment travailler sur une communauté — qui réfute parfois ce terme, alors, disons — un collectif qui n’a en partage qu’une carlingue d’Airbus A310 ? Quand on sait l’attachement féroce des anthropologues au temps long de l’enquête de terrain — férocité toute légitime, la familiarisation requise auprès de collectifs pour le recueil de données est aussi obligatoire qu’elle n’est pas immédiate.
Heureuse expérience d’un ethnologue égaré sur un drôle de terrain, mais promise à l’échec ? Pas tout à fait. »
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